Juste avant l'arrivée des premiers Acadiens à Grand-Pré, les parties basses de ce qui est aujourd'hui les terres endiguées de Grand-Pré étaient recouvertes deux fois par jour par l'eau de mer. Les zones plus élevées étaient recouvertes moins fréquemment, uniquement lors des grandes marées. Lorsque la marée descendait, elle révélait un vaste marais salin, composé de plus de 1000 hectares d'herbes marécageuses et de criques de drainage des marées. Ce marais luxuriant abritait une grande variété d'espèces marines et estuariennes.
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1680 à 1755
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Pendant toutes les années d’incertitude politique de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle, les Acadiens ont conservé des relations harmonieuses avec les Mi’kmaqs. Pendant que les puissances impériales françaises et britanniques luttaient pour obtenir le contrôle de la Nouvelle-Écosse, les colons étaient livrés à eux-mêmes et réduits à bâtir leurs propres alliances et réseaux d’échanges commerciaux.
La transformation physique du paysage ne peut s’être faite qu’avec l’accord des Mi’kmaqs puisque, vers la fin du XVIIe siècle, ceux-ci étaient beaucoup plus nombreux que les Acadiens dans la région. Une analyse des dossiers des paroisses acadiennes révèle qu’entre 1707 et 1748, il y avait à Grand-Pré un grand nombre de gens issus de mariages mixtes entre les Mi’kmaqs et les Acadiens. De toutes les paroisses acadiennes de l’époque avant 1755, Grand-Pré comptait le plus grand pourcentage de familles de descendants issus de mariages mixtes. Il existe aussi de nombreuses références documentaires reflétant la présence de Mi’kmaqs à Grand-Pré ou dans la région environnante, dans ce que les Acadiens nommaient le district des Mines.
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Au XVIIe siècle, à l’arrivée des premiers Européens dans la région qui est maintenant la Nouvelle-Écosse, ils ont trouvé chez les Mi’kmaqs des partenaires disposés au commerce, eux qui au cours des millénaires avaient d’ailleurs développé de solides réseaux d’échanges commerciaux. Pendant les siècles qui ont suivi, les Européens ont graduellement empiété sur le territoire mi’kmaq, en particulier le riche littoral, et il s’en est suivi une âpre compétition pour les ressources de la région. Dès le départ cependant, la relation entre les autorités françaises et les Mi’kmaqs était positive et a conduit à des alliances. La première de ces alliances a abouti au baptême du grand chef Henri Membertou en 1610, le premier autochtone à être baptisé sur le territoire qui allait devenir le Canada. Il n’existe aucun traité connu qui aurait été conclu entre les Français et les Mi’kmaqs.
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La création du marais |
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Lorsque les Acadiens ont commencé à transformer le marais à Grand-Pré, les Mi’kmaqs ne les ont pas empêchés d’altérer et de faire éventuellement disparaître de vastes terres d’alluvions de la base des ressources de la région. Cela en dit long sur la relation harmonieuse qui existait entre les deux peuples, une relation des plus rares à l’époque coloniale en Amérique du Nord.
Depuis 4000 ans que le bassin des Mines est soumis à la marée, les marais salants sont présents et se développent continuellement pour suivre l'élévation du niveau de la mer. Cette augmentation verticale résulte du piégeage des sédiments et des nutriments absorbés par les plantes des marais salés lorsque la marée monte deux fois par jour. Ainsi, un marais salé de Fundy représente des milliers d'années de production biologique : les racines des plantes, les sédiments et les nutriments ont été stockés dans le marais au cours d'une période géologique, produisant une accumulation de sol fertile. Avec l'arrivée des Acadiens et l'endiguement de certains de ces marais, cette fertilité est devenue disponible pour l'agriculture. En effet, la terre arable se trouve en moyenne à quatre mètres et demi de profondeur. Bien que la faible perméabilité des sédiments rende difficile l'évacuation du sel du sol, les agriculteurs ont pu cultiver des plantes à racines peu profondes. Avant l'arrivée des Acadiens, l'homme utilisait la baie de Fundy principalement en capturant des animaux - mollusques, poissons, oiseaux et mammifères.
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Les Français en Acadie
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Les Acadiens sont un peuple né en Amérique du Nord. Leur identité résulte de la transformation des valeurs individuelles européennes au contact d’un nouvel environnement et d’un nouveau peuple. Leur histoire a commencé avec la colonisation française de l’Amérique du Nord.
En 1604, les Français ont d’abord tenté un premier établissement permanent en Amérique du Nord à l’île-Sainte-Croix dans la baie de Fundy. Ils ont vite été démoralisés et menacés par les rigueurs de l’hiver. En 1605, ils ont réitéré l’expérience en étant mieux préparés et aussi mieux situés à Port-Royal, qui se trouve dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse. Cet établissement s’est finalement avéré fructueux et a marqué les bases d’un territoire appelé l’Acadie qui, selon les Français, comprenait en gros les terres situées entre le 40e et le 60e parallèle, en bordure de l’océan Atlantique. Cela couvrirait les provinces canadiennes actuelles de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, l’Est du Québec et des parties de trois États américains de la Nouvelle-Angleterre.
La transition de Français à Acadiens est venue graduellement par suite de diverses influences environnementales, sociales et politiques. Les pionniers se trouvaient dans un environnement entièrement étranger auquel ils durent s’adapter : climat, faune et flore. Socialement, ils ont été façonnés par leur contact avec les Mi’kmaqs, le peuple autochtone habitant le territoire de la Nouvelle-Écosse. |
Dans un climat de confiance mutuelle et d’harmonie relative établi entre les Français et les Mi’kmaqs, les pionniers ont pu s’installer paisiblement et apprendre à connaître le pays pour y vivre, y survivre et s’épanouir. Le grand nombre de mariages mixtes confirme l’étendue des bonnes relations entre les deux peuples et renforce les liens étroits qui les unissent. Enfin, sur la scène politique, comme l’Acadie était stratégiquement importante pour les puissances impériales et qu’elle changeait souvent de mains, allant des Français aux Britanniques, les colons français étaient trop souvent livrés à eux-mêmes. Ils ont donc pris entre leurs mains la justice, l’administration et la vie communautaire. Ces trois aspects ont grandement influé sur leur indépendance, leur esprit d’initiative et le mode de propriété des terres. Vers le milieu du XVIIe siècle, ces caractéristiques étaient suffisamment distinctives pour que les fonctionnaires français les remarquent et parlent des colons comme étant des Acadiens plutôt que des Français. Les Britanniques, en revanche, les désignaient comme des « Français neutres » après les années 1730 en raison de leur ferme résolution à demeurer neutres dans les conflits opposant la France à la Grande-Bretagne.
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Un territoire disputé
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Si les Français revendiquaient l’Acadie comme leur territoire, les Britanniques leur faisaient la lutte pour d’autres revendications territoriales dans d’autres régions semblables.
Les luttes se livraient parfois entre Français et Anglo-Américains, parfois entre des factions rivales de colons français, parfois entre des forces françaises et britanniques et parfois encore entre les Mi’kmaqs et les forces britanniques ou anglo-américaines. Toutes les escarmouches, batailles ou raids survenus au cours des XVIIe et XVIIIe siècles découlaient du plus grand contexte des conflits en Europe dans la course pour coloniser le Nouveau Monde, dominer les lucratives routes commerciales et étendre l’impérialisme européen à l’étranger.
Par suite des conflits, sur une période de 155 ans, la colonie de l’Acadie fut sous domination française six fois, et sous domination britannique quatre fois jusqu’à ce que la France perde définitivement le Canada en 1763. À partir de 1621, les Britanniques appelaient parfois l’Acadie la Nouvelle-Écosse. Pendant ce siècle et demi, les Acadiens étaient occupés à établir leurs communautés le long de la baie de Fundy, de la côte atlantique, à l’Île Royale (maintenant le Cap-Breton en Nouvelle-Écosse) et à l’Île Saint-Jean (maintenant la province de l’Île-du-Prince-Édouard).
Le bassin des Mines n’échappe pas aux conséquences négatives de ces divers conflits. En 1696 et de nouveau en 1704, des expéditions de la Nouvelle-Angleterre sous la conduite de Benjamin Church ont ciblé diverses régions de l’Acadie. Au cours de la dernière expédition, les assaillants ont dévasté la communauté de Grand-Pré. Ils ont incendié les maisons, capturé des prisonniers et saccagé les digues pour laisser entrer l’eau de mer. Ils avaient en effet compris que le marais était à la base de la production agricole des Acadiens. Un compte rendu de l’époque décrit l’action en ces termes : « les soldats ont creusé les digues et laissé entrer l’eau de mer, pour détruire tout le blé et tout ce qu’il y avait de bon ». Une fois les assaillants repartis, les Acadiens sont revenus dans la région, ils ont rebâti leurs maisons, réparé les digues pour tout recommencer. |
L’incident qu’on vient de relater a eu lieu pendant la guerre de la Succession d’Espagne, un conflit européen qui a eu de nombreuses répercussions dans les colonies d’Amérique du Nord. Lorsque la guerre a pris fin, par la signature du traité d’Utrecht en 1713, l’une des conditions du traité de paix devait avoir une grande incidence sur les Acadiens et leurs établissements. Par cette clause, la France transférait la souveraineté de l’Acadie/Nouvelle-Écosse à la Grande-Bretagne. La majeure partie du territoire demeurait sous le contrôle des Mi’kmaqs ou était le foyer de villages acadiens en plein essor. D’un autre côté, la présence britannique en Nouvelle-Écosse était modeste à l’époque; il n’y avait alors que quelques colons britanniques et de petites garnisons seulement à Annapolis Royal et à Canso.
Néanmoins, à partir de 1713 et dans les années qui ont suivi, les fonctionnaires britanniques se sont mis à voir les Acadiens comme un peuple qui devait obéissance à leur monarque avec toutes les obligations que comportait un tel statut. La question de la loyauté des Acadiens en était une qui ne serait pas réglée — du moins pas à la satisfaction des fonctionnaires britanniques — de 1713 à 1755. Tout au contraire, cette question a joué un rôle primordial dans la séquence d’événements ayant conduit à l’expulsion forcée des Acadiens de Grand-Pré et d’ailleurs à compter de 1755.
Malgré le contexte de ces conflits et transferts de pouvoirs, les colons ont réussi à étendre la colonie et à prendre racine en Acadie.
Malgré le contexte de ces conflits et transferts de pouvoirs, les colons ont réussi à étendre la colonie et à prendre racine en Acadie.
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L’établissement à Grand-Pré |
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Lorsque les colons français (les Acadiens) sont venus de Port-Royal dans les années 1680 pour s’établir aux Mines (Grand-Pré), ils ont occupé des terres qui faisaient au départ partie de la seigneurie d’Alexandre LeBorgne de Bélisle qui était le seigneur de Port-Royal. Comme le voulait la coutume dans le Nouveau Monde, les colons se sont vu accorder de longues bandes de terre qui partaient du bord de l’eau.
Le modèle seigneurial commun en Nouvelle-France et quelque peu répandu en Acadie permettait à chaque colon d’avoir accès à l’eau, à des terres de qualité variable et à des lots boisés. Il appartenait au colon de défricher sa terre aux fins de l’agriculture. De son côté, le seigneur recueillait des redevances et bâtissait un moulin pour la communauté.
Il existe peu de renseignements sur la solidité de la relation entre le seigneur et ses colons ainsi que sur les premiers temps de l’établissement à Grand-Pré. LeBorgne de Bélisle avait essayé de réinstaurer l’autorité du seigneur après des années d’autorité britannique symbolique (1654 à 1670), mais en vain. Pour ce qui est du modèle d’établissement adopté par les colons, il est fort probable qu’ils se soient établis selon le modèle seigneurial, mais il n’existe aucune carte ni description le confirmant. Les historiens et les archéologues estiment néanmoins, en se fondant sur les archives et l’analyse du paysage, décrits plus haut à la section 2a, que les colons des Mines ont en fait instauré une seigneurie et qu’il y a aujourd’hui des preuves tangibles et visibles attestant cette forme de paysage.
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Si les premiers colons ont adopté la seigneurie comme modèle d’établissement, celui-ci a évolué pour donner lieu à l’aménagement de marais. Ceci signifiait donc que la création de terres agricoles découlait de la transformation d’un marais plutôt que du défrichage de la forêt. Pour que les gens de la communauté aient efficacement accès à leur lieu de travail — le marais — ils devaient non pas s’établir ur cette terre nouvellement aménagée, par ailleurs si précieuse, mais plutôt se disperser le long de ce marais. Par conséquent, les Acadiens ont bâti leurs maisons, leurs granges, moulins et autres bâtiments sur les terres hautes adjacentes et ils ont aménagé un réseau de chemins et de sentiers pour se relier à d’autres villages acadiens.
Avec le temps, ils allaient défricher les terres hautes pour faire place aux bâtiments, aux chemins et aux sentiers ainsi que pour créer des terres agricoles et donner l’accès aux lots boisés. De ceux-ci ils allaient extraire les matériaux nécessaires à la construction des maisons, granges, aboiteaux et digues. À partir de 1680, trois générations d’Acadiens ont graduellement endigué et converti le marais — la Grand-Pré. L’abondance agricole qui en a résulté a été source de prospérité pour la communauté locale et lui a permis — ainsi qu’à d’autres communautés acadiennes semblables — de voir grandir sa population.
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Les Acadiens créent des terres agricoles à partir du marais |
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La capacité des Acadiens et leur acharnement à transformer le marais est un trait distinctif dans les colonies de l’Amérique du Nord. Ils ont été les seuls pionniers de l’époque à cultiver aussi intensément des terres situées en dessous du niveau de la mer.
En 1670, le nouveau gouverneur français de l’Acadie faisait remarquer en parlant des établissements proches de Port-Royal : « Sur ces marais, ils cultivent — en déployant très peu d’effort — de grandes quantités de foin, de grain et de lin grâce auxquelles récoltes ils arrivent à nourrir de gros troupeaux de beau bétail. Ils ont ainsi trouvé un moyen facile d’assurer leur subsistance, ce qui les amène à négliger les riches terres situées sur les hauteurs. » Cette observation qui fait fi du travail acharné qu’impliquent les travaux d’assèchement aurait très bien pu s’appliquer à Grand-Pré une décennie plus tard. La prodigieuse fertilité du marais endigué à Grand-Pré a été la clé du succès de la région.
Dans les années 1680, les Acadiens avaient déjà à leur actif un demi-siècle de transformation des terres d’alluvions en Acadie. La première mention consignée du marais provient de la région de Port-Royal, à l’endroit du premier établissement permanent par les Français en Amérique du Nord. S’il n’y a aucune source écrite expliquant les origines de la transformation des terres d’alluvions en Acadie, il existe deux hypothèses pouvant expliquer les connaissances des Acadiens — une individuelle et l’autre collective. En fait ces deux hypothèses auraient pu jouer simultanément.
Dans les années 1680, les Acadiens avaient déjà à leur actif un demi-siècle de transformation des terres d’alluvions en Acadie. La première mention consignée du marais provient de la région de Port-Royal, à l’endroit du premier établissement permanent par les Français en Amérique du Nord. S’il n’y a aucune source écrite expliquant les origines de la transformation des terres d’alluvions en Acadie, il existe deux hypothèses pouvant expliquer les connaissances des Acadiens — une individuelle et l’autre collective. En fait ces deux hypothèses auraient pu jouer simultanément.
Les historiens ont cependant perdu la trace de ces sauniers et il est donc difficile d’évaluer l’incidence qu’ils ont eue. S’il n’y a aucune indication qu’on ait sérieusement envisagé de recueillir du sel en Acadie, il est quand même raisonnable de croire que ces sauniers auraient joué un rôle pour transmettre les connaissances acquises en Europe et les adapter aux conditions environnementales en Acadie. L’autre explication possible — hypothèse soulevée au tournant du XXe siècle par l’historien William Francis Ganong — et appuyée récemment par les historiens Yves Cormier, John Johnston et Ronnie-Gilles LeBlanc, c’est qu’il s’agit d’une connaissance collective de la construction de digues que les colons auraient apportée de leur terre ancestrale. |
La majorité de ces colons venaient de l’Ouest de la France où, pendant des siècles, des terres d’alluvions avaient été transformées pour en faire des terres agricoles dont on avait grandement besoin. Les colons étaient donc originaires du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge, provinces de la côte atlantique aux larges étendues de marais. Ces régions étaient la terre ancestrale de gens qui avaient su, depuis l’époque romaine, maîtriser les compétences de l’endiguement, de l’assèchement des terres ainsi que de l’extraction du sel. Ces régions avaient aussi été la cible de travaux intenses de réclamation des terres au XIe siècle, sous la direction des autorités religieuses et politiques. Vers la fin du XVIe siècle, nombre de ces terres avaient été inondées à nouveau par la mer, comme suite aux dommages subis aux digues et aux ouvrages de drainage en raison des guerres de religion qui faisaient rage dans l’Europe médiévale.
La connaissance des travaux d’endiguement et de drainage n’était cependant pas perdue. Nombre des ouvrages d’endiguement avaient résisté notamment au Poitou, dans l’Aunis et en Saintonge, et les populations locales déployaient des efforts constants pour les entretenir à des fins agricoles ainsi que pour protéger leurs établissements. Certains de ces colons qui vinrent en Acadie au début du XVIIe siècle avaient certainement apporté ces connaissances avec eux. Leur application en Acadie constitue la transplantation de cette tradition européenne en Amérique du Nord et reflète une simple expérience d’endiguement et d’assèchement des terres qui est nettement antérieure aux grands travaux d’ingénierie du XVIIe siècle. L’utilisation d’une technologie plus perfectionnée pour drainer les terres ne fut jamais nécessaire ici puisque les marées extrêmes de Grand-Pré rendaient tout assèchement mécanique inutile étant donné que le niveau de la marée basse était bien en deçà du niveau du marais
(voir Figure 2–25).
La connaissance des travaux d’endiguement et de drainage n’était cependant pas perdue. Nombre des ouvrages d’endiguement avaient résisté notamment au Poitou, dans l’Aunis et en Saintonge, et les populations locales déployaient des efforts constants pour les entretenir à des fins agricoles ainsi que pour protéger leurs établissements. Certains de ces colons qui vinrent en Acadie au début du XVIIe siècle avaient certainement apporté ces connaissances avec eux. Leur application en Acadie constitue la transplantation de cette tradition européenne en Amérique du Nord et reflète une simple expérience d’endiguement et d’assèchement des terres qui est nettement antérieure aux grands travaux d’ingénierie du XVIIe siècle. L’utilisation d’une technologie plus perfectionnée pour drainer les terres ne fut jamais nécessaire ici puisque les marées extrêmes de Grand-Pré rendaient tout assèchement mécanique inutile étant donné que le niveau de la marée basse était bien en deçà du niveau du marais
(voir Figure 2–25).
Figure 2–25 Illustration d’une coupe transversale du marais à Grand-Pré, y compris l’amplitude des marées, le marais salin, le système d’aboiteaux et les champs. À noter que l’aboiteau désigne ici la section de la digue entourant la dalle ou l’écluse. Étant donné que ceci ne peut être adéquatement représenté dans une coupe transversale, l’aboiteau est illustré dans la Figure 2–26. Aussi, la zone tidale à Grand-Pré comprend des vasières qui s’étendent sur des centaines de mètres. Pour bien illustrer l’amplitude moyenne des marées, les vasières ont été considérablement rétrécies dans ce diagramme.
Au tournant du XVIIe siècle, des travaux considérables avaient été entrepris dans l’Ouest de la France, sous la gouverne cette fois d’ingénieurs néerlandais et avec leur appui financier. Sur l’invitation des autorités royales et seigneuriales, d’importants travaux furent ainsi entrepris en France afin de reprendre les terres à la mer par des méthodes de drainage plus systématiques et plus perfectionnées impliquant des canaux, des chenaux, des écluses et des aménagements sur le paysage. Les Néerlandais apportèrent une contribution de taille à la récupération des terres dans ces régions surtout en introduisant des ouvrages et des designs qui ont eu une incidence durable sur la technologie de l’endiguement et de l’assèchement des terres.
La technologie employée par les Acadiens pour transformer les terres d’alluvions et le marais était on ne peut plus simple : bêches spéciales ou ferrées, fourches, haches et troncs d’arbres évidés. Il faut insister sur l’ingéniosité des gens — plus que sur leurs outils — qui ont su comprendre les systèmes de drainage naturels du marais et qui ont ensuite construit des digues qui dirigeaient le flot des ruisseaux dans une seule direction, lui permettant de se déverser dans la mer. Un élément du succès des Acadiens c’est qu’ils ont utilisé dans leurs digues de terre, des mottes de terre découpées et extraites du marais même. S’inspirant d’un procédé semblable à celui utilisé dans l’Europe occidentale pour l’extraction de la tourbe, ils coupaient à l’aide d’une ferrée ou petite pelle carrée des briques ou mottes de gazon du marais de forme et de taille particulière qu’ils assemblaient ensuite pour bâtir la digue. Les plantes halophiles ou les herbes et les joncs poussant dans le marais pouvaient tolérer l’immersion dans l’eau salée plusieurs heures par jour. Ces plantes avaient aussi un profond système radiculaire et des racines denses et tassées qui les ancraient profondément en dépit de tourbillons d’eau de mer et protégeaient les côtés exposés des digues à marée haute. La coupe des mottes de terre et l’assemblage des digues étaient des travaux communautaires en raison des compétences, de l’efficacité et de la vitesse que requéraient ces travaux.
La technologie employée par les Acadiens pour transformer les terres d’alluvions et le marais était on ne peut plus simple : bêches spéciales ou ferrées, fourches, haches et troncs d’arbres évidés. Il faut insister sur l’ingéniosité des gens — plus que sur leurs outils — qui ont su comprendre les systèmes de drainage naturels du marais et qui ont ensuite construit des digues qui dirigeaient le flot des ruisseaux dans une seule direction, lui permettant de se déverser dans la mer. Un élément du succès des Acadiens c’est qu’ils ont utilisé dans leurs digues de terre, des mottes de terre découpées et extraites du marais même. S’inspirant d’un procédé semblable à celui utilisé dans l’Europe occidentale pour l’extraction de la tourbe, ils coupaient à l’aide d’une ferrée ou petite pelle carrée des briques ou mottes de gazon du marais de forme et de taille particulière qu’ils assemblaient ensuite pour bâtir la digue. Les plantes halophiles ou les herbes et les joncs poussant dans le marais pouvaient tolérer l’immersion dans l’eau salée plusieurs heures par jour. Ces plantes avaient aussi un profond système radiculaire et des racines denses et tassées qui les ancraient profondément en dépit de tourbillons d’eau de mer et protégeaient les côtés exposés des digues à marée haute. La coupe des mottes de terre et l’assemblage des digues étaient des travaux communautaires en raison des compétences, de l’efficacité et de la vitesse que requéraient ces travaux.
Les Acadiens ont su tirer parti, outre de ces herbes robustes et denses prises dans les mottes de terre, des modèles de drainage naturel du marais en construisant des aboiteaux directement dans le lit des petits ruisseaux qui drainaient le marais à marée basse. L’aboiteau est un terme utilisé en Acadie qui renvoie à la fois à la section de la digue entourant la dalle ou l’écluse et à l’ensemble de l’ouvrage d’endiguement. Chaque dalle était munie d’un clapet ou d’une valve de bois qui permettait à l’eau douce de s’écouler de la dalle et de se déverser dans la rivière ou la mer à marée basse. Le clapet empêchait aussi l’eau de mer de refluer dans le marais à marée haute (voir Figure 2–26).
(Figure 2-26) Le clapet du système d’aboiteau s’ouvre pour laisser s’écouler l’eau douce du marais; sous la pression de la marée haute, le clapet se referme pour empêcher l’eau de mer de pénétrer dans le marais. Les détails de la construction sont illustrés ci-haut. |
Une fois qu’une section de marais avait été endiguée, l’eau douce provenant de la pluie et de la neige avait graduellement pour effet de débarrasser les couches supérieures du sol de toute trace de sel. Il fallait généralement compter de deux à trois ans pour que le processus de désalinisation fasse son œuvre dans chaque parcelle de marais. La méthode des aboiteaux adoptée par les Acadiens était à la fois imaginative et ingénieuse, une adaptation des techniques utilisées en Europe et ailleurs dans le monde pendant des siècles avant la venue des colons français en Amérique du Nord.
Impressionnés par la fertilité et la productivité des terres initialement transformées en Acadie, les paysans acadiens allaient poursuivre jusqu’en 1755 leur transformation de plusieurs marais — petits et grands — autour de la baie de Fundy et le long de rivières à marée et de diverses anses et baies dans de nombreuses régions de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick actuels. Les Acadiens en sont donc venus à être connus sous le nom de « défricheurs d’eau » pour les distinguer d’autres pionniers de l’Amérique du Nord qui créaient des terres agricoles en défrichant la forêt. En fait, les Acadiens aussi ont défriché sur les hauteurs, là où ils ont établi leurs villages, planté des vergers et des jardins ainsi qu’élevé du bétail. Cependant, l’élément dominant de leur agriculture — qui est par ailleurs des plus inusités en Amérique du Nord — c’est qu’ils ont transformé, en les endiguant, le marais salin.
Même si les Acadiens utilisaient des parcelles de marais pour se donner des terres agricoles dans de nombreux endroits, l’énorme amplitude des marées de Grand-Pré leur posait un défi unique. Le long du bassin d’Annapolis, là où furent érigées les premières digues acadiennes, l’amplitude des marées varie entre 4 mètres jusqu’à un maximum de 8,5 mètres. Dans le bassin des Mines, à Grand-Pré, le marnage est de près de 11,61 mètres, et dans les plus hautes marées, il peut atteindre jusqu’à 16 mètres. Les bâtisseurs de digues acadiens ont dû faire preuve d’ingéniosité et de détermination pour contenir un tel volume d’eaux de mer tourbillonnantes. Ils ont dû mettre au point une technique qui assurerait que la digue ne soit pas emportée en cours de construction.
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Ils devaient avoir la dextérité pour assembler avec efficacité les diverses parties de la digue et travailler collectivement pour transformer rapidement de larges bandes de terre. Enfin c’était un travail titanesque que de bâtir d’imposantes digues capables de retenir la pression d’un tel volume d’eau (voir Figure 2–27).
Cependant, c’était également toute une opportunité sur le plan agricole. Entre 1682 et 1755, les Acadiens ont entrepris le projet de repousser la mer et d’assécher les riches terres d’alluvions à Grand-Pré. Il semblerait qu’ils aient commencé par la partie la plus « facile » du marais, c’est-à-dire au centre, non loin de la bordure des terres hautes. Une fois que ce secteur a été endigué avec succès, les Acadiens ont poursuivi la tâche. Le biologiste et historien du marais de Grand-Pré Sherman Bleakney, décrit dans son livre Sods, Soils and Spades (2004) (voir Figure 2–28) la séquence probable de l’endiguement des terres.
(Figure 2-28) Biologist and historian Sherman Bleakney's map of the Grand-Pré dykelands
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Le travail commence près du centre et procède en de larges sections autour de cette première parcelle de marais, en douze séquences qui suivent les trois principaux ruisseaux et leur bassin hydrographique. Peu à peu, les familles de fermiers acadiens de Grand-Pré ont trans- formé presque toute la Grand-Pré en terres agricoles.
Ils n’ont laissé qu’une portion à la limite ouest des terres d’alluvions qui n’était pas endiguée — un projet qu’allaient entreprendre avec succès les descendants des Planters de la Nouvelle-Angleterre à leur arrivée dans la région en 1760. À Grand-Pré, les Acadiens ont fini par réclamer de la mer plus de 1000 hectares de terres, un immense artéfact qui existe encore aujourd’hui — legs vivant de l’exploit réalisé par les Acadiens. Ce serait aussi le projet d’asséchement le plus ambitieux que des Acadiens — voire tout colon de descendance européenne — allaient entreprendre en terre d’Amérique avant 1755. |
Avec la transformation de la Grand-Pré par les Acadiens, le village environnant prit rapidement de l’essor. En quelques décennies à peine, la région de Grand-Pré était devenue le plus populeux de tous les établissements acadiens. Les Acadiens commencèrent à exporter leur surplus de production, en particulier les céréales, vers des établissements français et britanniques. Les produits étaient exportés sur des navires ancrés dans le bassin des Mines. Ceux-ci chargeaient et déchargeaient leurs cargaisons à un débarcadère érigé sur la rivière Gaspereau à l’endroit aujourd’hui appelé Horton Landing. Les observateurs français et britanniques du XVIIIe siècle reconnaissaient la fertilité inégalée du marais crée par les Acadiens. Grand-Pré était ainsi reconnue pour sa production céréalière.
Il est opportun de souligner que les projets d’endiguement à Grand-Pré et dans la plupart des autres établissements acadiens de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle sont des projets communautaires (voir Figure 2–29). Des observations tirées des archives et de récits de première main de voyageurs et des autorités de l’époque (des XVIIIe et XIXe siècles) indiquent que les communautés avaient bel et bien des règlements qui guidaient le travail collectif exécuté au bénéfice de tous. La principale règle régissant la gestion collective, c’est que chaque propriétaire foncier devait contribuer à la construction ou à l’entretien des digues et des aboiteaux soit en fournissant la main-d’œuvre soit en offrant une compensation monétaire.
Il est aussi clair que la collaboration n’était pas nécessairement synonyme de propriété collective. Des preuves démontrent qu’une fois la transformation des terres réalisée grâce à un effort collectif, les terres étaient ensuite attribuées selon un genre de loterie. Pour regrouper les champs ou acquérir de meilleures terres, les propriétaires devaient alors soit acheter des champs soit les échanger. Un esprit d’entreprise caractérisait les activités agricoles des colons.
Les familles de fermiers locaux ont pris la décision de transformer les vastes terres d’alluvions de Grand-Pré, et leurs enfants et petits-enfants ont poursuivi le travail. La plupart des autres projets acadiens de transformation des terres ont suivi le même processus. Seuls les travaux d’assèchement initiaux entrepris à Port-Royal dans les années 1630 et le projet inachevé du marais de Tantramar (l’aboiteau de Le Loutre) dans la région de Chignectou, qui chevauche la frontière entre les provinces canadiennes du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, commencé dans les années 1750 ont été initiés et dirigés par un chef ou une figure hiérarchique. En revanche, l’approche communautaire plus répandue a contribué à long terme à façonner l’identité acadienne et à resserrer les liens d’une société déjà très unie.
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(Figure 2-29) La peinture de l’artiste Lewis Parker intitulée Des Acadiens construisant des digues et des aboiteaux à Grand-Pré illustre le travail de collaboration impliqué dans la construction des digues à Grand-Pré.
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Le conflit entre les Français et les Britanniques se poursuit
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Pendant que la France et la Grande-Bretagne continuaient de batailler pour la suprématie de l’Amérique du Nord tout au long du XVIIIe siècle, la plupart des Acadiens y compris ceux de Grand-Pré, tentaient de demeurer à l’écart et de faire accepter leur neutralité. Malheureusement, une telle prise de position n’était acceptable ni pour les Français ni pour les Britanniques.
Signature du serment d'allégeance au roi de Grande-Bretagne
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Les Français voyaient les Acadiens comme leurs alliés naturels puisqu’ils étaient catholiques romains, qu’ils étaient surtout de descendance française et qu’ils parlaient le français. Les Britanniques, en revanche, estimaient que les Acadiens étaient des sujets de leur roi depuis la signature du traité d’Utrecht en 1713. Quelques Acadiens étaient partisans des Français, et quelques autres travaillaient avec les Britanniques, mais la plupart étaient partagés entre les aspirations impériales rivales. Après la signature du traité d’Utrecht, les Acadiens devaient prêter le serment d’allégeance au roi de la Grande-Bretagne, ce qu’ils ont au départ refusé pour conserver leur identité et leur neutralité.
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En 1729-1730, les Acadiens de toute la partie continentale de la Nouvelle-Écosse ont accepté de signer un serment modifié proposé par le gouverneur britannique en poste à Annapolis Royal. Le gouverneur leur avait donné l’assurance qu’ils ne seraient pas forcés de prendre les armes contre les Français ni les Mi’kmaqs, mais qu’ils pourraient demeurer neutres. Toutefois les événements qui se produisirent plus tard, dans les années 1740 et 1750, conduisirent les administrations britanniques à revenir sur la question de la neutralité des Acadiens.
À cette époque, les Britanniques se préoccupaient aussi de leurs relations avec les Mi’kmaqs. À mesure que les Britanniques commençaient à consolider leur position en Nouvelle-Angleterre et en Acadie au début du XVIIIe siècle, ils ont commencé à signer des traités avec les peuples autochtones de ces régions. En 1725, ils ont signé un traité à Boston avec la confédération des Abénaquis afin d’assurer la protection de leurs établissements contre toute attaque des Indiens. Les Mi’kmaqs qui faisaient aussi partie de la confédération des Abénaquis n’ont accepté de ratifier le traité qu’en 1726 après plusieurs modifications.
Après trois décennies de paix, la Grande-Bretagne et la France se retrouvèrent une nouvelle fois en conflit pendant la guerre de la Succession d’Autriche (1744-1748). Le principal théâtre de guerre se trouvait en Europe, mais le Canada connut aussi sa part de conflits. Plusieurs incidents ont ainsi eu lieu à Grand-Pré et dans les environs, ce qui eut des répercussions à long terme sur la population acadienne.
À l’été de 1744, une expédition militaire provenant de la forteresse française de Louisbourg marcha sur les communautés acadiennes y compris Grand-Pré, incitant les hommes acadiens à se joindre à la campagne. Peu d’hommes répondirent à cet appel aux armes. Les Acadiens voulaient demeurer neutres et ils avaient une récolte à engranger. La réponse des Acadiens en 1744 déçut les Français, mais inquiéta tout de même les Anglais qui auraient voulu que les Acadiens prennent activement position contre les Français. |
L’année suivante en 1745, les Français lancèrent une attaque infructueuse sur la base britannique d’Annapolis Royal. À peu près au même moment, une grosse armée de soldats provinciaux de la Nouvelle-Angleterre, appuyée par des navires de guerre britanniques, captura Louisbourg. En 1746, la France mit sur pied une grosse expédition qui traverserait l’Atlantique dans le but de reprendre Louisbourg, de capturer Annapolis Royal et de contraindre les Acadiens à s’engager pour la cause française. L’expédition échoua lamentablement en raison de retards, de tempêtes et de maladies.
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1747 l'attaque de Grand-Pré |
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Aux petites heures du matin du 11 février 1747, en plein blizzard, les Français et les Mi’kmaqs et les Malécites prirent par surprise les soldats de la Nouvelle-Angleterre installés à Grand-Pré. Connue dans l’histoire comme la Bataille de Grand-Pré, l’escarmouche fit 80 morts dans le camp de la Nouvelle Angleterre y compris son commandant (voir Figure 2–30). Les dépouilles des soldats furent inhumées dans une fosse commune, tandis que leur commandant fut enterré non loin de là.
(Figure 2–30) attentat au grand-pré
Grand-Pré fut le théâtre d'une attaque surprise contre le détachement du colonel Arthur Noble, composé de troupes britanniques du Massachusetts qui logeaient dans les maisons des habitants. Une force française et indienne sous les ordres de Coulon de Villiers fit irruption dans les quartiers britanniques à 3 heures du matin pendant la tempête de neige. Des combats serrés eurent lieu et Noble et environ 80 de ses hommes furent tués. Le 12, les Britanniques capitulent à condition d'être autorisés à retourner à Annapolis Royal. Les Français s'en vont peu après et les Britanniques reprennent leur possession malaisée de la Nouvelle-Écosse continentale. Cet incident devait prendre des proportions énormes aux yeux de certains leaders britanniques en 1755 lorsque fut prise la décision de déporter les Acadiens.
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Les Français comme les Anglais consolidèrent leurs positions dans la région de l’Atlantique vers la fin des années 1740. À l’automne 1746, les Anglais envoyèrent quelque 500 soldats de la Nouvelle-Angleterre établir un poste dans le village de Grand-Pré, en réaction à des faits d’armes des Français dans la région. Les Anglo-Américains investirent de nombreuses maisons sur les hauteurs surplombant le marais et s’installèrent pour l’hiver. À quelques centaines de kilomètres plus loin, dans la région de Chignectou, un contingent de 250 soldats français et de 50 guerriers mi’kmaqs et malécites eurent vent de l’occupation des soldats de la Nouvelle-Angleterre à Grand-Pré. Malgré leur petit nombre et les rigueurs de l’hiver, ils se mirent en route pour Grand-Pré en janvier 1747. Un petit nombre d’Acadiens sympathiques à la cause des Français se joignirent à eux. En même temps, des Acadiens partisans des Britanniques avertirent les soldats de la Nouvelle-Angleterre de l’imminence d’une attaque. Les soldats ignorèrent l’avertissement en pensant que le mauvais temps hivernal empêcherait toute incursion.
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Planification des nouvelles implantations
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Cette carte de 1748 indique les plans en vue d’installer des protestants à Grand-Pré (no 2 dans la carte), et ce, avant la Déportation des Acadiens. Les autorités britanniques avaient prévu des établissements (quadrillages sur la carte) dans l’entourage immédiat des établissements acadiens (illustrés ici comme des concentrations de maisons). À noter, au centre de la carte, la grande concentration de maisons et l’église (représentée comme un carré avec une croix), ce qui démontre l’importance de l’établissement de Grand-Pré.
Lorsque prit fin la guerre de la Succession d’Autriche à la fin de 1748, le traité d’Aix-la-Chapelle rendait Louisbourg aux Français. Peu de temps après, la France et la Grande-Bretagne étendirent leur présence militaire au Canada atlantique. La France dépêcha une expédition de plusieurs milliers de colons pour qu’ils occupent Louisbourg en 1749. Dans les années 1749-1751, les Français établirent un poste à l’embouchure de la rivière Saint-Jean et deux forts dans la région de Chignectou, à Beauséjour et à Gaspareaux. Pendant ce temps, les Britanniques dépêchèrent une expédition massive afin de fonder Halifax en 1749 pour faire contrepoids à Louisbourg. Les années suivantes, les Anglais établirent aussi plusieurs nouveaux postes, forts et établissements autour d’Halifax. Parmi ceux-ci, citons le fort Edward dans la communauté acadienne de Pigiguit, un petit fort à Vieux Logis (Horton Landing) près de Grand-Pré, le fort Lawrence dans la région de Chignectou (en face du fort Beauséjour) et ils établirent une nouvelle ville assez imposante — qu’ils peuplèrent d’étrangers protestants, d’origine allemande et suisse pour la plupart — à Lunenburg, sur la côte du sud-est de la Nouvelle-Écosse.