Les terres endiguées, les champs et les établissements situés sur les collines, d'abord établis par les Acadiens dans les années 1680, ont été entretenus et étendus au fil des siècles par les agriculteurs descendants des Planters de la Nouvelle-Angleterre, puis par les immigrants, notamment les Anglais et les Écossais arrivés aux XIXe et XXe siècles et les Néerlandais arrivés après la Seconde Guerre mondiale.
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Protéger les communautés et les terres agricoles |
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Le système de terres endiguées de la Nouvelle-Écosse protège les terres agricoles, les infrastructures publiques, les biens culturels et les propriétés commerciales et résidentielles dans toute la province. Le système doit être modernisé pour réduire les effets économiques, environnementaux et sociaux potentiels du changement climatique, alors que les tempêtes augmentent en intensité et en fréquence.
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Une fertilité naturelle |
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La baie de Fundy est un écosystème extraordinaire : hautement compexe et des plus productifs. Toutes les eaux côtières et les estuaires ont tendance à être biologiquement très riches, en raison de leur proximité avec la terre qui leur fournit une source constante de nutriments.
De plus, comme ces eaux sont peu profondes, la lumière et les nutriments y sont présents pour soutenir la croissance de plantes et fournir un vaste éventail d’habitats pour toutes sortes d’espèces. Dans la baie de Fundy, ces attributs naturels sont rehaussés par les très grandes marées. Celles-ci créent à l’embouchure de la baie des zones ascendantes d’eau froide, riche en éléments nutritifs, qui remonte à la surface où il y a de la lumière afin de favoriser la croissance du phytoplancton. Voilà la base d’une chaîne alimentaire fort productive qui soutient un très grand nombre d’organismes allant du plancton aux baleines. C’est aussi l’une des principales raisons pour lesquelles d’innombrables espèces de poissons, d’oiseaux et de mammifères migrent chaque année à la baie de Fundy pour s’y nourrir.
Au fond de la baie, dans le bassin des Mines, les marées imposantes engendrent un tout autre écosystème, là où les eaux sont troubles en raison du limon et des particules d’argile maintenus en suspension par l’action des marées. Il y a peu de production biologique dans l’eau, mais, dans les vastes zones intertidales exposées à marée basse, le phytoplancton et les marais salins y sont florissants. Soutenus par l’approvisionnement constant en sédiments et alimentés par la marée montante qui charrie avec elle une réserve constante d’éléments nutritifs, la zone intertidale est plus vaste dans le bassin des Mines, si bien qu’elle continue de s’élever au gré de l’augmentation du niveau de la mer. Le marais de la baie de Fundy est donc parmi les plus riches de tout l’hémisphère Nord. Ensemble le marais et les vasières fournissent une prodigieuse aire d’alimentation qui attire des millions de poissons et d’oiseaux.
Au fond de la baie, dans le bassin des Mines, les marées imposantes engendrent un tout autre écosystème, là où les eaux sont troubles en raison du limon et des particules d’argile maintenus en suspension par l’action des marées. Il y a peu de production biologique dans l’eau, mais, dans les vastes zones intertidales exposées à marée basse, le phytoplancton et les marais salins y sont florissants. Soutenus par l’approvisionnement constant en sédiments et alimentés par la marée montante qui charrie avec elle une réserve constante d’éléments nutritifs, la zone intertidale est plus vaste dans le bassin des Mines, si bien qu’elle continue de s’élever au gré de l’augmentation du niveau de la mer. Le marais de la baie de Fundy est donc parmi les plus riches de tout l’hémisphère Nord. Ensemble le marais et les vasières fournissent une prodigieuse aire d’alimentation qui attire des millions de poissons et d’oiseaux.
La carte du biologiste et historien Sherman Bleakney des terres endiguées de Grand-Pré indique la séquence des endiguements.
Pendant la majeure partie des 4000 années où le bassin des Mines a été assujetti à l’action des marées, il y a eu en bordure du bassin des marais salins qui se sont constamment bâtis, croissant en hauteur au rythme de l’élévation du niveau de la mer. Cette augmentation en hauteur résulte du captage des sédiments par les plantes du marais et leur absorption des éléments nutritifs transportés par les marées deux fois par jour. Un marais salin typique de la baie de Fundy représente ainsi une accumulation de milliers d’années de production biologique : les racines des plantes, les sédiments et les éléments nutritifs ont été entreposés dans le marais sur une durée géologique, ce qui a pour conséquence de produire une accumulation de sol extrêmement fertile. Avec l’arrivée des colons acadiens et l’endiguement de certains de ces marais par la construction de digues, cette fertilité était alors disponible pour l’agriculture. En effet, la couche arable mesure en moyenne quatre mètres et demi de profondeur. Même si le dessalage du sol constitue une opération extrêmement difficile en raison de la faible perméabilité des sédiments, les fermiers ont réussi à faire pousser des cultures formées essentiellement de graminées au système radiculaire peu profond. Avant la venue des colons acadiens, l’utilisation humaine des richesses de la baie de Fundy se faisait surtout par la capture de vie animale — fruits de mer, poissons, oiseaux et mammifères.
Dans la période ayant tout juste précédé l’établissement à Grand-Pré des premiers Acadiens, les parties les plus basses de ce qui est maintenant le marais de Grand-Pré étaient recouvertes d’eau de mer deux fois par jour. Les secteurs plus en hauteur n’étaient touchés que pendant les très grandes marées. À la marée basse, se révélait un très grand marais salin comprenant plus de 1 000 hectares d’herbes du marais qui était sillonné par des ruisseaux de drainage des eaux de marée. Ce marais luxuriant abritait une riche vie marine et estuarienne.
Dans la période ayant tout juste précédé l’établissement à Grand-Pré des premiers Acadiens, les parties les plus basses de ce qui est maintenant le marais de Grand-Pré étaient recouvertes d’eau de mer deux fois par jour. Les secteurs plus en hauteur n’étaient touchés que pendant les très grandes marées. À la marée basse, se révélait un très grand marais salin comprenant plus de 1 000 hectares d’herbes du marais qui était sillonné par des ruisseaux de drainage des eaux de marée. Ce marais luxuriant abritait une riche vie marine et estuarienne.
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Les plus grandes marées
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C'est dans le bassin des Mines que l'on trouve aujourd'hui les plus grandes amplitudes et la plus grande étendue d'une zone intertidale. Dans le cadre du cycle des marées - deux marées hautes et deux marées basses par jour - 100 milliards de tonnes d'eau de mer entrent et sortent du bassin des Mines deux fois par jour. Cela représente plus d'eau que le débit quotidien combiné de tous les fleuves du monde.
À la suite du retrait des glaciers après la dernière période glaciaire, il y a environ 14 000 ans, le niveau des mers s'est élevé partout sur la planète. Les rivières s'écoulant des terres nouvellement déglacées ont commencé à emporter des sédiments. Dans l'est du Canada, ces sédiments ont fini par tapisser le fond de la baie de Fundy. À cette époque, le bassin des Mines était un lac d'eau douce ou saumâtre peu profond, et les bancs Georges et Browns, à l'entrée de la baie de Fundy, étaient des terres sèches. À mesure que le niveau de la mer continuait à monter et que le banc Georges était submergé, l'eau de mer pénétrait de plus en plus dans la baie. Il y a 4 000 ans, l'amplitude des marées dans le bassin des Mines n'était que de 1 à 1,5 mètre (3,2-4,9 pieds), mais elle a régulièrement augmenté au fil du temps pour atteindre une moyenne de 12 mètres (39 pieds) dans le bassin des Mines, 11,61 mètres (38 pieds) à Grand-Pré et un maximum de plus de 16 mètres (52,5 pieds), soit les plus hautes marées enregistrées dans le monde.
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Création des terres endiguées
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L'intérêt et la capacité des Acadiens à transformer les marais sont uniques dans l'Amérique du Nord coloniale. Ils ont été les seuls pionniers de l'époque à pratiquer une agriculture aussi extensive sous le niveau de la mer. Les premières traces de terres endiguées proviennent de la région de Port Royal, sur le site de la première colonie française permanente réussie en Amérique du Nord.
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Expansion des terres endiguées
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La première expansion des terres endiguées s'est produite en 1806 du côté ouest, avec la construction de la nouvelle digue ou
« Wickwire Dyke ».
« Wickwire Dyke ».
Elle a été construite à l'ouest de la digue acadienne nord-sud, dans une région que les Acadiens n'avaient jamais endiguée, en partie à cause de la difficulté de résister à la pression des marées. Cette digue entourait plus d'une centaine d'hectares de nouvelles terres agricoles et résistait aux tempêtes et aux marées venant de l'ouest. Elle ne s'est rompue qu'en 1869, lorsque le coup de vent de Saxby s'est abattu sur la côte, provoquant à la fois de fortes marées et des vents violents. Les digues acadiennes ayant été laissées en place après la construction de la digue de Wickwire, le marais principal de Grand-Pré est resté relativement intact. La digue de Wickwire a été reconstruite en 1871. L'entretien et l'expansion des digues ont permis aux agriculteurs de maintenir un niveau élevé de productivité qui a fait l'admiration des experts et des visiteurs. John Young, le plus grand spécialiste néo-écossais de l'agriculture au début du XIXe siècle, a évalué les digues de Grand-Pré en 1822. À cette époque, les terres endiguées étaient la propriété Planters de la Nouvelle-Angleterre depuis environ 60 ans :
La côte de la baie de Fundy est incontestablement le jardin de l'Acadie, et c'est pourquoi nous constatons que les Français s'y sont installés dès la première occupation du pays. Ils ont jeté les digues et les aboiteaux qui servaient à fermer l'océan, afin de pouvoir s'approprier les riches marais de Cornwallis et de Horton, qu'ils avaient cultivés pendant un siècle, avant que nous nous en emparions, sans l'aide d'engrais. ... Certaines parties des Grandes Prairies [Grand-Pré] d'Horton sont cultivées alternativement en blé et en herbe depuis plus d'un siècle, et n'ont pas été réapprovisionnées pendant cette longue période avec une quelconque sorte d'engrais.
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Au début des années 1880, un autre expert, D.L. Boardman, observait ;
la digue de Grand-Pré [dykeland] est l'une des plus anciennes du comté de Kings et l'une des meilleures de la province. Les anciens Français avaient des digues ici lors de la première occupation du pays, et l'on peut aujourd'hui voir partout dans le Grand-Pré des vestiges d'anciennes digues à l'intérieur de celles qui font aujourd'hui leur devoir en retenant la marée. Ces digues ont été labourées et nivelées par endroits, mais il n'est pas difficile de les retrouver.
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La biologiste et écrivaine américaine Margaret W. Morley (1858-1923) a été clairement impressionnée par ce que les Acadiens avaient d'abord réalisé et que les Planters de la Nouvelle-Angleterre ont maintenu lorsqu'elle a écrit en 1905 : "Nous ne pouvons pas contempler les vastes prairies devant la porte de Grand-Pré sans nous souvenir des mains qui, les premières, ont retenu la mer.
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Entretien des digues et des aboiteaux à Grand-Pré |
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Ce paysage à forte connotation symbolique est néanmoins demeuré un paysage résolument agricole. Le marais de Grand-Pré a été entretenu et il y a eu des expansions sur le flanc ouest.
La digue nord-est dans l’île Long et des parties des digues de l’est érigées dans les années 1940 ont été placées parfois derrière la ligne des anciennes digues, parfois devant celles-ci. La digue Wickwire, qui a été construite au XIXe siècle, a été abandonnée à nouveau en 1932 après des années de dégradation à la suite de tempêtes violentes. Elle a néanmoins été rebâtie en partie en 1959. Les empreintes de sections d’autres digues ont été déplacées en fonction de leur capacité de résister aux assauts des marées. Dans chacun des cas, la décision de bâtir des digues se faisait en fonction de la capacité de maintenir l’intégrité du réseau de digues et d’aboiteaux.
Les digues construites dans les années 1940 ont fait partie d’une initiative gouvernementale connue sous le nom de Programme d’urgence. En 1943, le gouvernement fédéral et le gouvernement des pro vinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont mis sur pied un comité de réhabilitation des digues des provinces Maritimes (voir Figure 2–52). A suivi en 1948 un programme encore plus ambitieux par la création, aux termes d’une loi promulguée par le Parlement du Canada, de l’Administration de réhabilitation des digues des provinces Maritimes. La tâche de l’entretien de tout les marais des provinces Maritimes a été traitée comme un seul projet, ce qui a permis de débloquer des fonds considérables. À la fin des années 1960, tous les projets d’envergure de rebâtir les digues et de remplacer les aboiteaux étaient complétés, et le gouvernement fédéral s’est alors retiré du projet. La supervision des digues a alors été transférée aux provinces, responsabilité que celles-ci assument encore à ce jour. |
Tout au long de siècles d’évolution et de changements, les fermiers de Grand-Pré ont conservé leur méthode distinctive d’érection et d’entretien du marais original. La conception des aboiteaux n’a pas changé même si de nouveaux matériaux rehaussent maintenant leur fiabilité et leur durée de vie utile. Les digues sont encore construites à l’aide de mottes de terre, et encore aujourd’hui la végétation indigène les protège. Pendant des siècles, les fermiers locaux ont fait l’expérience de diverses combinaisons de matériaux pour renforcer les digues — utilisant parfois des roches, parfois des planches de bois maintenues ensemble avec des baguettes servant de parements (que l’on appelait corps morts). Pourtant la technologie de base est demeurée la même. Les ruisseaux ont été gardés intacts pour garantir l’efficacité du systeme hydrographique.
Les fermiers d’aujourd’hui — dont certains sont des descendants des Planters de la Nouvelle-Angleterre, de nombreux autres, des descendants de souche néerlandaise venus en Amérique après la Seconde Guerre mondiale — conservent toujours les connaissances de l’érection et de l’entretien des digues. Si rares sont les fermiers locaux qui savent encore se servir d’une ferrée pour découper des mottes de terre, nombre d’entre eux comprennent bien la conception appropriée des digues et le fonctionnement du drainage et des aboiteaux, à en juger par les digues et les aboiteaux privés qui continuent à s’ériger sur le territoire. Le ministère de l’Agriculture possède certaines connaissances, mais il recourt sans cesse à l’expérience des fermiers pour l’entretien des digues.
La gestion issue de la communauté se poursuit aujourd’hui au IIIe millénaire. Les fermiers du Grand-Pré Marsh Body sont individuellement propriétaires des terres, mais ils partagent les ressources et prennent des décisions collectivement quant à l’entretien du marais. Les fermiers n’ont pas directement la responsabilité des digues, mais ils conservent un rôle essentiel dans l’entretien et l’érection des digues. Leur méthode de gestion garde vivants une préoccupation collective à l’égard de ce paysage agricole et le désir individuel de prospérité. À travers les grands projets du gouvernement fédéral et provincial des 70 dernières années, le Grand-Pré Marsh Body a su conserver son rôle.
Les fermiers d’aujourd’hui — dont certains sont des descendants des Planters de la Nouvelle-Angleterre, de nombreux autres, des descendants de souche néerlandaise venus en Amérique après la Seconde Guerre mondiale — conservent toujours les connaissances de l’érection et de l’entretien des digues. Si rares sont les fermiers locaux qui savent encore se servir d’une ferrée pour découper des mottes de terre, nombre d’entre eux comprennent bien la conception appropriée des digues et le fonctionnement du drainage et des aboiteaux, à en juger par les digues et les aboiteaux privés qui continuent à s’ériger sur le territoire. Le ministère de l’Agriculture possède certaines connaissances, mais il recourt sans cesse à l’expérience des fermiers pour l’entretien des digues.
La gestion issue de la communauté se poursuit aujourd’hui au IIIe millénaire. Les fermiers du Grand-Pré Marsh Body sont individuellement propriétaires des terres, mais ils partagent les ressources et prennent des décisions collectivement quant à l’entretien du marais. Les fermiers n’ont pas directement la responsabilité des digues, mais ils conservent un rôle essentiel dans l’entretien et l’érection des digues. Leur méthode de gestion garde vivants une préoccupation collective à l’égard de ce paysage agricole et le désir individuel de prospérité. À travers les grands projets du gouvernement fédéral et provincial des 70 dernières années, le Grand-Pré Marsh Body a su conserver son rôle.